D’après le mail de Georges Jungle Biker
L'immense majorité des motards roule entre les files, surtout en ville, mais parfois sur l'autoroute. Ce comportement est souvent critiqué par les automobilistes, que ça rend souvent inquiets. C'est compréhensible, dans la mesure où ce comportement est en apparence dangereux. Effectivement, c'est parfois le cas, certains motards agissant de façon irresponsable, inconscients du danger. Ca peut l'être aussi pour le débutant qui suit le mouvement, pour faire comme tout le monde. Cependant, dans beaucoup de cas, c'est un facteur de sécurité, voire même une condition de survie, et les motards expérimentés le savent bien. Je vais donc tenter d'expliquer aux non-motards qui lisent ce groupe pourquoi rouler entre les files est un acte nécessaire, et pas seulement pour gagner du temps.
Dans le meilleur des mondes, où chacun respecterait autrui, où les motos seraient bien visibles, et où chacun connaîtrait parfaitement les capacités et limites des autres véhicules, il ne serait pas nécessaire de rouler entre les files. Mais le monde n'est pas parfait, et il faut se protéger. Beaucoup d'automobilistes ne respectent pas les distances de sécurité, et parmi eux, un grand nombre ne sait pas freiner fort. Or, en ligne droite et par temps sec, une moto freine généralement plus court qu'une voiture. Un motard occupant la place d'une voiture dans une file, s'il a besoin de freiner, va instinctivement freiner plus fort que s'il était en voiture, pour garder une marge supplémentaire et être sûr d'éviter de rentrer dans le derrière du véhicule qui précède. C'est humain, on a plus peur de se faire mal en moto qu'en voiture. Or, celui qui le suit ne s'y attend pas, et adopte le plus souvent un "style coulé". Un automobiliste ne se jette pas sur les freins quand il voit des feux stops s'allumer devant lui, il augmente son freinage progressivement, au fur et à mesure que le danger se précise. Si un motard freine devant, et s'il n'y a pas une distance de sécurité suffisante, le choc est quasi inévitable. Un motard expérimenté fait souvent l'inverse. Il commence par freiner fort, et ensuite il relâche les freins pour ne pas trop s'éloigner du véhicule qui précède (justement pour éviter au maximum de se faire rentrer dans le derrière). Quand on roule entre les files, on évite complètement ce problème, pour deux raisons. D'une part, comme il y a plus de place devant, on n'est plus obligé de se jeter sur les freins au moindre problème. D'autre part, on ne risque quasiment plus de se faire rentrer dans le derrière, parce qu'on laisse de la place aux voitures pour nous éviter (instinctivement, un automobiliste essayera d'éviter l'obstacle, surtout s'il n'est pas sur sa trajectoire, mais ne pourra le faire que si la place est disponible). Evidemment, un motard roulant entre les files peut se faire rentrer dans le derrière par un autre motard, mais c'est peu probable. En effet, l'autre motard sait comment on conduit une moto, et il sait que quand le feu stop s'allume devant, il s'agit presque toujours d'un freinage violent. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu parler de deux motards qui se rentrent dedans alors qu'ils se suivaient entre deux files de voitures.
De plus, quand on roule entre les files, on a l'immense avantage de rouler un peu plus vite que les voitures. C'est un facteur de sécurité essentiel, parce que ça permet de se libérer en grande partie de ce qui se passe derrière soi. C'est important, parce qu'on voit nettement moins bien dans des rétros de moto que dans des rétros de voiture. Les rétros des motos sont souvent trop étroits, et une partie de leur surface ne reflète que les épaules du pilote. La proportion dépend des motos, bien sûr. Les trails (motos style "tout terrain", hautes sur pattes avec un guidon large) et les grosses routières (carénage très large) ont presque toujours de bons rétros. A l'opposé, les hyper sportives (celles qui font en général le plus de bruit ;-)) ) ont des rétros minuscules pour des raisons d'aérodynamisme. Autant dire qu'un pilote de sportive ne voit absolument rien derrière lui. Moins on voit derrière soi, plus il faut se libérer de la contrainte de surveiller ses arrières, donc plus il faut rouler vite par rapport à la vitesse moyenne du flux de véhicule. Ce qui oblige à doubler en permanence.
Une moto peut également rouler plutôt à droite, plutôt à gauche, ou au milieu d'une file. On a le choix en terme de position. Quand on suit une voiture, il est recommandé de ne pas rouler au milieu. En cas de freinage violent devant soi, on a plus de facilité à faire un évitement quand on roule au bord de sa file. C'est important surtout en cas d'adhérence précaire (pluie, feuilles mortes, chaussée sale, etc.), parce que dans ce cas, il sera impossible au motard de freiner aussi fort qu'un automobiliste. C'est moins important par beau temps sur une chaussée propre, mais ça reste recommandé parce que ça offre le choix entre freiner et éviter, ou une combinaison des deux, en cas de problème. Il est toujours prudent de multiplier les échappatoires. Rouler décalé est donc aussi un facteur de sécurité, sans obliger à rouler entre les files. Mais il arrive parfois dans ces conditions, quand la chaussée est large, que la voiture qui suit essaye de se faufiler dans l'espace laissé libre. Ceci à l'insu du motard parce que ça se passe dans son angle mort. Le moindre écart pour éviter un nid de poule fera taper l'arrière de la moto contre la voiture, ce qui a toutes les chances d'entraîner une chute. C'est assez rare qu'un automobiliste fasse cela, mais ça arrive. Par contre, c'est très courant avec les scooters, ou certains motards inexpérimentés qui ne voient pas pourquoi c'est dangereux. Quand c'est possible, c'est plus sûr de rouler entre les files que de rouler décalé.
Il est important aussi de s'arrêter au feu entre les files. En effet, beaucoup de scooters et de vélos grillent les feux rouges. Certains motards aussi, la plupart étant des coursiers ou des livreurs de pizza. Mais dans la tête de beaucoup de gens qui font l'amalgame, ils s'attendent à ce que le motard qui les précède grille l'orange bien mûr, surtout quand ça les arrange de griller le feu. Un motard qui veut s'arrêter à l'orange à tout intérêt à laisser de la place pour la voiture qui suit, et quand ce n'est pas possible, à surveiller ce qui se passe derrière pour ne pas se faire rentrer dedans. Beaucoup de motards peuvent témoigner d'avoir dû redémarrer précipitamment au rouge après s'être arrêté à l'orange.
Bref, rouler entre les files est souvent la solution la moins dangereuse quand la circulation est chargée, parce que c'est là où il y a le moins de voitures. Par contre, il y a des dangers spécifiques, ce qui demanderait une formation spécifique (non fournie dans les moto-écoles), et de l'expérience.