De l'arrêt du comportement
accidentogène à la sanction

d'après les mails de F.P.Weill, Alain Perles

La justification des limitations de vitesse est la suivante: personne n'admettra (en France) qu'on puisse lui retirer le permis parce qu'un agent de police a considéré qu'il roulait trop vite au vu des circonstances et était ainsi dangereux. Des lors, il faut fixer un critère mesurable et défendable devant un tribunal. D'ou la limitation de vitesse et le radar. Ensuite l'usage qui en est fait est discutable, mais l'existence de limitations non.

Et la "conduite dangereuse", la "vitesse excessive", le "non-contrôle du véhicule", ça n'existe pas?? Si, si et pas besoin de critères mesurables dans ces cadres-là. Le seul problème est le manque de formation d'une véritable police de la route. Elle existe mais seulement dans quelques brigades spécialisées, sur autoroute en général. Si seulement leur action pouvait exister sur tout le réseau routier (ville y compris), cela permettrait de repenser le rôle des limitations absolues et l'absurdité du placement habituel des radars.

Reste un problème de fond ... Face à une conduite "dangereuse", une vitesse "excessive" une "non maîtrise du véhicule" qu'est-ce qu'il y a de plus important et que faire ?

Le problème posé n'existe que dans une optique de priorité à la sanction classique (amende, suspension de permis) et systématique. Or je continue à être persuadé que ce type de sanction n'a aucun sens en lui même.

Priorité : cesser l'infraction

Dans l'urgence il faut avant tout faire cesser l'infraction, dangereuse pour les tiers comme pour l'auteur et là l'intervention d'une vraie police de la route suffit. Son caractère justifié, les éventuelles sanctions, il sera toujours temps d'en discuter dans l'enceinte d'un tribunal...

 

Sanctions individualisées

Par ailleurs, valable pour un type pris exceptionnellement en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique, une telle sanction ne réglera pas le problème de l'alcoolique ou du toxicomane. Pour lui ni effet dissuasif, ni "leçon" n'ont de sens... Nous sommes en face d'un malade, sur le plan de la sanction, seule l'injonction thérapeutique peut l'aider... Malheureusement, les solutions connues aujourd'hui sont très fragiles et la rechute très fréquente... Alors, il faut passer à autre chose que la notion de sanction, celle de la protection des tiers (et quelque part de l'individu lui-même d'ailleurs). Cela consiste - à vie ou jusqu'à ce que la médecine trouve enfin une cure satisfaisante amenant une véritable guérison excluant la rechute - à interdire la conduite à de tels individus. Il ne s'agit plus de sanction, ni de rééducation mais d'intérêt général face à un intérêt particulier et si l'auteur de l'infraction constatée rentre dans ce cadre, il existe des moyens objectifs de le démontrer. Donc, dans cette optique le rôle protecteur des limitations ne tient pas. Enfin on peut peut-être espérer que l'attrait de la conduite dissuade certains de plonger dans cette addiction... (dissuasion)...

 Les autres infractions pour lesquelles une sanction classique fonctionne sont évidemment "objectives" et donc ne rentrent pas dans le schéma (par exemple le refus de priorité ou le changement de direction non signalé ...)

Reste le cas du maladroit, ni saoul, ni camé... Il me semble qu'il est parfaitement illogique de croire que le priver de conduite pour un temps déterminé sert pas à quelque chose AU CONTRAIRE avec 3, 6 mois ou un an de suspension, il y a de grande chance qu'il soit encore plus mauvais qu'auparavant... Cette solution est donc d'une stupidité sans pareil. Comment faire dès lors ? Et bien, une fois que le comportement en question a été détecté par la police de la route formée que tu réclames, Alain, et que celle-ci a fait cesser l'infraction (et donc le danger), il faut essayer de déterminer les raisons de cette mauvaise conduite et, là encore, on va pouvoir le faire de manière beaucoup plus objective qu’actuellement.

 

Méthode d’approche de la sanction

En première approche il va falloir déterminer si cette mauvaise conduite n'est pas tout simplement due à une raison médicale (mauvaise vue, réflexes altérés par l'âge...).

Une fois cette hypothèse écartée, on est bien en face d'un conducteur dont les connaissances pratiques sont insuffisantes... Donc une suspension du permis s'impose pour la protection des tiers et de lui-même, mais pas une suspension à temps prédéterminé... Une suspension jusqu'à ce que le conducteur ait subit à ses frais un stage qualifiant de conduite sur circuit et l'ait réussit, un stage qu'il devrait pouvoir faire très rapidement mais qui serait un stage butoir.. En cas d'échec, pas de permis... A refaire. Dès lors notre maladroit ne retournerait sur la route que "guéri" de sa maladresse et donc moins dangereux pour les autres et conscient ... C'est ce que j'appelle une sanction éducative.

Si au contraire un problème médical est décelé, dans la plupart des cas, une prothèse quelconque (des lunettes par exemple) suffirait à récupérer un permis suspendu mais désormais dûment pourvu d'une mention restrictive d'usage.

Pour une part encore moins nombreuses de conducteurs, c'est la nécessité de se soigner jusqu'à la guérison qui sera exiger enfin, dans une minorité de cas, il s'agira de gens dont les capacités sont définitivement altérées et dans ce cas c'est l'interdiction de conduire à vie qui reste la seule solution...

La police de la route 

Par ailleurs, il ne faut que le pouvoir de cette nouvelle police de la route soit contrôlé et contrôlable... Si on est pas obsédé par la notion de sanction et que la protection des autres passe d'abord, en estimant qu'à un moment ou un autre n'importe quel conducteur peut commettre un erreur et que la prise de conscience de cette erreur (et des moyens à mettre en oeuvre pour ne pas qu'elle se reproduise) est plus important que de percevoir un amende, il suffirait que la dite police ait pour mission la délivrance d'avertissements dont  -par exemple - l'accumulation de trois dans l'année pour un conducteur justifierait son passage devant le juge. Passage durant lequel il pourrait éventuellement démontré sa bonne foi, si toutefois les trois avertissements en question se révélaient abusifs. Autrement, pour cet ensemble de fautes plus vénielles, il devrait réussir son stage pour récupérer son permis... Il serait considéré comme un conducteur devant être re-formé...

 

Conclusion

Il apparaît en fait qu’on aboutit à ses conclusions simplement en imaginant une police de la route autrement que comme un instrument de sanction systématique, automatique et aveugle... Il ne faut pas oublier que le rôle d'une Police n'est pas seulement répressif, mais aussi préventif et dans le cas d'une police de la route éducatif. Je dirai même plus préventif et éducatif s'adressant à des citoyens dont la grande majorité ne pratique pas volontairement la délinquance... Or, une vraie police de la route devrait toujours plutôt être considérer par l'usager comme une aide utile que comme un instrument destiné à le piéger, elle en serait d'autant plus respectée et estimée d'ailleurs et donc ces éventuelles décisions seraient alors d'autant moins contestables et considérée comme une sanction injuste...