Un manque certain de volonté politique

d'après le mail de F.P. Weill

 

Ce qui est surtout navrant, c'est que le problème de la formation, et de l'éducation (voire du recyclage) a l'air de faire peur à beaucoup de monde : les politiques et les conducteurs eux-mêmes.

Je pense qu'il est possible de dépasser cette peur. Certes pas de la même façon pour les politiques que pour les conducteurs.

Pour les politiques, il s'agit de choix budgétaires et de protection déguisée de certains lobbies (qui financent leurs campagnes électorales entre-autres). Vis à vis de l'électeur, c'est la fin de la possibilité d'user d'une certaine forme de démagogie. L'expérience montre depuis très longtemps que seul le poids de l'opinion publique peut contrebalancer ces données.

Il faut donc dire la vérité à l'opinion publique, lui prouver qu'on lui ment (ici depuis plus d'un quart de siècle)...

En ce qui concerne la formation initiale, l'expérience montre (avec les diverses réformes des permis moto par exemple) qu'un durcissement des conditions de passage est acceptable par l'opinion publique (à condition de faire le nécessaire pour qu'il n'y ait pas de sélection par l'argent et surtout lorsqu'une majorité n'est pas concernée)... En effet les futurs conducteurs ne présentent pas une majorité et les conducteurs titulaires du permis ne se sentiraient guère concernés.

En ce qui concerne la "rééducation", j'ai vu de nombreux messages ici prônant un permis qui serait périodiquement remis en cause dans son intégralité par le repassage d'une épreuve. Je persiste à croire que ce n'est pas un bon moyen et qu'il ferait (à tort, si l'examen est honnête) peur à une majorité de conducteurs. De plus, il me semble qu'il s'agit d'une mesure injuste et d'une tracasserie inutile pour ceux qui n'ont cessé de conduire depuis l'obtention de leur permis. A contrario, elle serait juste pour des conducteurs occasionnels ou ayant cessé de conduire un véhicule d'une catégorie donnée depuis plus de - mettons - 3 ans. Il est possible de considérer qu'une attestation d'assurance ou d'employeur (suivant qu'il s'agit de véhicules personnels ou de véhicules de service) désignant le titulaire du permis en question comme conducteur régulier depuis moins de trois ans devrait exonérer de ce type d'examen. Mais il ne devrait pas en être de même d'un contrôle régulier sur le plan médical qui se justifie pour tous, conducteurs occasionnels, comme conducteur régulier... En se bornant à ces règles - peut-être un peu imparfaites mais raisonnablement contraignantes, je pense qu'on éviterait pas mal de sinistres. Il ne faut pas tomber dans les excès inverse de ceux qu'on dénonce...

Pour la rééducation encore, je pense qu'il faut qu'elle passe par une politique d'incitation sur une base volontaire en amenant les conducteurs à faire cet effort par une réduction sensible des primes d'assurances en cas de succès au stage (on peut agir non seulement auprès des compagnies d'assurances, mais aussi par la réduction des taxes voire la défiscalisation complète des primes... On peut aussi subventionner l'activité de ces centres pour en diminuer le coup pour les usagers.

En cas d'accident, on peut aussi, cette fois par la contrainte de la justice prononcé une obligation de suivre et de réussir un tel stage pour récupérer le papier rose en supprimant les amendes et les suspensions de permis à temps... Avec une bonne organisation, le conducteur maladroit (c'est à eux que serait destinée cette mesure nouvelle) pourrait si il est attentionné et apprend ce qu'on lui enseigne, récupérer beaucoup plus rapidement son permis en étant vraiment plus le danger public qu'il était auparavant... On éliminerait aussi à cette occasion les vrais incapables que l'ancien système laissait passer...

De telles mesures sont parfaitement explicables à la population et admissibles par elle...

 

En définitive ce sont surtout les politiques qui freinent.

Pourquoi ?

1) Il existe depuis un certain nombre d'années une politique économique d'ailleurs de plus en plus définie hors de nos frontières qui vise à diminuer à tous prix ce qu'on appelle les dépenses publiques. C'est fort peu compatible avec les investissement nécessaires tant pour les infrastructures que pour la formation des conducteurs... Quand bien même de tels investissements seraient rentables à terme (les traités de Maastricht et d'Amsterdam nous contraignent sous peine d'amendes à ne pas dépasser 3% de déficit) et par exemple baisser la TVA (et encore plus la supprimer) sur les équipements de sécurité demande l'aval de Bruxelles.

2) Des mesures, dures et contraignantes mais nécessaires, contre les excès des transporteurs routiers porteraient atteinte à un lobby implanté depuis longtemps (le favoriser est une habitude datant des années 30 !). Pourtant, beaucoup d'accident très graves sur nos routes ont pour origine directe ou indirecte (par leur seule présence) la proliférations des PL et les méthodes de "gestion" des transporteurs. S'y ajoute désormais le libéralisme intégral prôné depuis Bruxelles qui permet l'usage de camions portugais ou espagnol conduits par des Bulgares appartenant à des sociétés domiciliés au Luxembourg par exemple sans aucune garantie de respect de la sécurité des chauffeurs comme des autres usagers. Cela va très loin, dans la mesure où même pour les transporteurs français, le poids des taxes et impôts ne compense pas la dégradation du réseau routier occasionnée par le passage des camions. On assiste alors à un subventionnement indirect par les contribuables de ce mode de transport aboutissant à une concurrence déloyale vis à vis du fer et du transport fluvial, pourtant plus sûrs et moins polluants.

3) Autre lobby, les sociétés de travaux publics: Souvent partie-prenante avec l'état (et parfois seule actionnaire) des sociétés d'autoroute. Le fait qu'une grande partie des concessions en matière d'autoroute soit l'apanage de société dans lesquelles l'État soit majoritaire ne change rien, ni à leur poids - l'État se mettant à leur service - ni sur leur mode de gestion, puisque, comme toute société de droit privé, le but final reste le profit maximal. L'une des influences les moins mises en évidence de ce mode de gestion fut le passage de la définition des autoroutes de chaussées obligatoirement à deux fois trois voies à des chaussées à deux fois deux voies... But de l'opération: ouvrir beaucoup plus vite des itinéraires et donc percevoir plus tôt les péages. Sur le plan de la sécurité le problème très réel du dépassement d'un véhicule lent par un autre véhicule lent (poids lourd et poids lourd par exemple) sur une autoroute naît de cette nouvelle "tolérance"... Le prolongement ad vitam aeternam des concessions n'est pas non plus étranger à cette situation, or cela consiste à faire payer par les usagers l'investissement sur des autoroutes non encore construite, ce qui n'empêche pas ensuite d'en encaisser les bénéfices (c'est beau tout de même des bénéfices sur des investissements payés par les autres)... Sur le réseau autre, le système qui consiste à laisser les usagers enfoncer eux-même le gravillon dans les chaussées afin de soumissionner moins cher aux appels d'offre et de gagner plus c'est encore eux avec la bénédiction des pouvoirs publics qui se refusent à leurs rappeler l'existence des rouleaux compresseurs.

4) Dernier lobby évoqué, celui des constructeurs automobiles. Ce lobby a vu, certes, sont influence diminuer un peu mais reste très présent. Les constructeurs dominant à l'époque de l'introduction de la limitation de vitesse (français à l'époque) ne se sont pas opposé à cette mesure (contrairement au rôle qu'ont joué les constructeurs en Allemagne). S'agit-il d'un rare civisme ? NON... A l'époque, le principal facteur de mortalité n'est pas la vitesse (qui avait déjà bon dos) mais le type de véhicule dominant qui a une sécurité active comme passive en dessous des exigences des performances atteintes. Or, si les constructeurs ne sont pas entièrement responsables, bien que l'amélioration des performances sur des plates-formes dépassées résulte de leur marketing, car c'est avant tout la fiscalité démentielle sur l'automobile et les carburant qui a créé ces petits monstres, ils n'ont aucune envie que le vrai problème soit évoqué... Il leur faudrait en effet remplacer la plupart des modèles de leur gamme ou les ramener à des performances ridicules pour leur clientèle. Depuis, si l'argument de sécurité à remplacer (et parfois de manière douteuse) l'argument performance, il reste que la différence de niveau d'équipement persiste entre bas de gamme et autres modèles. Depuis la ceinture de sécurité, rien - à part le troisième feu stop - n'a été imposé... En temps de crise, il est en effet difficile de demander des efforts à une clientèle modeste, or il n'est pas question de toucher au TAUX de profit unitaire sur les véhicules, de gagner moins de % du prix de vente par voiture vendue si tu préfères... Des normes minimales de freinage, de tenue de route, d'accélération ne sont toujours pas imposées...

5) La difficulté de rompre avec la dominance d'une certaine caste de hauts fonctionnaires. En France, quelle que soit la "couleur" officielle du ministère, la haute fonction publique reste inchangée. Dans l'ensemble elle est dominée par les anciens élèves de deux grandes écoles: Polytechnique et l' ENA... La plupart des Ministres (et Gayssot n'est pas une exception) ne connaissent en réalité pas grand chose des questions techniques en rapport avec leur activité officielle. Ce n'est pas nouveau... Donc, quand il s'agit de prendre une décision technique, ils font appel à des conseillers censés être qualifiés techniquement. Malheureusement, il est permis d'avoir des doutes sérieux sur la véritable qualification de castes de privilégiés à vie (surtout dans un monde qui bouge aussi vite technologiquement), de même il est certains que le recrutement des dites castes se fait dans un milieu très fermé et très lié aux différents lobbies (voir la facilité avec lesquels ces messieurs passent du public au privé) ne favorise guère le souci de l'intérêt du simple citoyen et du pays dans son ensemble. Sans compter le fort esprit de corps qui interdit de remettre en cause les solutions qui ont été mises en oeuvre par les anciens du même "milieu", voir, car on est inamovible de fait celles qu'on a fait prendre ou soutenues 25 ans plus tôt... C'est ainsi qu'un Gayssot, d'opinion théoriquement opposée à un Messemer ou un Barre, prends des mesures dans le droit fil de ses prédécesseurs, toute étiquette mise à part... Ce en quoi, je le trouve plus "coupable" qu'un Ministre issu des mêmes milieux et partageant leurs options politiques dominantes, car il aurait dû s'en méfier ...

6) A défaut depuis des années de faire une politique conforme dans les faits à ce que souhaiterait une majorité de Français (les différences de fait ne sont plus que cosmétiques), le politicien français, déjà très atteint par la désertification des urnes (voir résultat des européennes) a du mal à avoir le courage d'expliquer la moindre mesure pouvant se révéler impopulaire en lus de celles qu'il prend (mais en mentant sur leur conséquences). Cela vaut pour un éventuel projet de sélectivité plus grande en matière de permis lorsque ce permis concerne une majorité de citoyens comme le permis B, resté pratiquement aussi peu exigeant qu'il y a trente ans contrairement au permis moto. Cela vaut encore plus pour des mesures qui toucherait la plus grande partie des citoyens comme un contrôle médical de validation périodique des permis...

7) Il existe un tendance majeure qui consiste à rendre le citoyen moyen de plus en plus en état de minorité vis à vis de ces actes. Ainsi, si la déréglementation prônée par les ultra-libéraux exerce ses ravages dès lors qu'il s'agit des puissances financières et industrielles, le citoyen moyen est lui de plus en plus abêtis et encadré par des lois et règlement qui régissent ses actions. Il faut l'empêcher de réfléchir, l'empêcher d'assumer ses responsabilités individuelles. Ceci parfois sous les habits séduisants mais trompeur d'un faux progrès social. D'un côté on va admettre que le précarisation et la misère qui sont effectivement criminogènes sont des excuses à des comportements asociaux (incivils) mais on va pousser cela au point d'en faire une excuse absolutoire (et dès lors pourquoi les auteurs se gêneraient-ils, d'autant qu'une dose d'insécurité n'est pas inutile à certaines manipulations), d'un autre, on va refuser au citoyen moyen soit de se servir normalement des objets qu'il acquiert librement (et non exigé simplement de lui qu'il le fasse sans nuire à autrui) comme un véhicule et le sanctionner durement et automatiquement pour une "faute" non démontrée; soit, même lorsque des restrictions de conditions d'usage (et une sévère sanction à la mesure du risque pris pour autrui) suffiraient, prononcer des interdictions totales (armes à feu)... On voudrait stéréotyper les comportements et retirer toute notion de responsabilité personnelle et d'éthique aux simples citoyens qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Ajoutes-y l'individualisme prôné comme valeur positive ... Alors que les libertés individuelles sont à la fois bornées et définies par l'intérêt général et qu'elles ne se conçoivent pas sans l'acceptation des responsabilité personnelles qui les accompagnent...

 

Si il y a un poids énorme à soulever c'est bien Celui d'une "classe" politique engluée dans sa dépendance vis à vis des puissances d'argent depuis des années et pratiquant l'exercice de la démagogie plus que la démocratie... Si on peut soulever cette chape, cela ne sera possible qu'en exerçant réellement nos droits et devoirs de citoyens... Cela vaut en matière de sécurité routière comme dans tous les autres domaines...