Déclaration de Jean-Claude Gayssot 

lors de sa conférence de presse du 4 mai 2000


Mesdames et Messieurs les journalistes,

Depuis ce matin les médias me pressent de questions concernant le bilan lamentable des deux précédents week-end en matière de sécurité routière. J'ai pensé plus efficace pour tout le monde d'organiser cette rencontre où vous pourrez nous questionner à votre guise.
Mais avant cet échange permettez-moi de vous dire quelques mots d'introduction.
D'abord, j'ai, comme vous, vécu avec douleur, et pourquoi le taire, avec colère l'annonce de ces statistiques terribles où des centaines de personnes ont trouvé la mort, durant ces dernières semaines sur les routes de France.
Je dis avec douleur parce qu'on ne peut être insensible à l'annonce de ces décès, de ces drames qui frappent dans leur chair des familles sur tout le territoire. Quand j'ai entendu l'accident mortel de ces cinq jeunes qui ont péri noyés, lors de leur retour d'une soirée du samedi soir, j'ai pensé à leurs familles, à leurs amis, à celles et ceux qui les connaissaient. Quel malheur !
J'ai pensé aussi comme chacun de vous ne peut s'empêcher de le faire : mais cela était-il fatal ?
Eh bien je veux le dire avec force devant vous, c'est aussi en ce sens que j'ai parlé de colère. Je ne crois pas, même si les faits paraissent contredire cette opinion, en la fatalité. Ce à quoi je veux m'employer dans l'immédiat, c'est à faire mentir la loi des séries : non, après deux week-ends particulièrement meurtriers, il ne peut pas, il ne doit pas y avoir une troisième hécatombe à l'occasion du week-end prochain du 8 mai.
Il serait trop facile de justifier l'impuissance en invoquant l'augmentation réelle de la circulation routière.

Il serait également injuste de parler de seuil incompressible parce qu'il y aurait toujours une minorité d'irresponsables comme disent certains, et que finalement toutes proportions gardées, la plupart des automobilistes ne se comportent pas trop mal.
Je l'ai dit en 1997, je le répète aujourd'hui - je refuse et je refuserai de céder face à l'insécurité routière. Comparé aux chiffres de 1998, nous devons tout faire pour tenir l'objectif de la réduction de moitié du nombre des tués.
Cela suppose une véritable transformation dans le domaine des comportements. Prendre le risque de se tuer, de se blesser grièvement, de tuer ou de blesser grièvement les autres pour gagner quelques minutes sur un parcours, ce n'est pas de l'inconscience, c'est de l'irresponsabilité. J'ai presque envie de parler d'indignité. Conduire de manière dangereuse, agressive, après avoir fait la fête, c'est ne pas se respecter soi-même, ni respecter les autres.
C'est une responsabilité publique que de protéger nos concitoyens de l'insécurité routière qui tue chaque jour des dizaines de personnes et qui frappe particulièrement les jeunes.
Chacun doit se sentir concerné, les conducteurs d'abord, les constructeurs, les élus, et bien entendu l'État à tous les niveaux.
Les médias ont un rôle de sensibilisation à mener. C'est ce que vous faites. Je vous en remercie en vous encourageant à poursuivre dans cette voie.
Changer les comportements de conduite n'est pas une tâche aisée, on le sait, c'est un travail qui suppose la durée, je demande à chacun d'y contribuer avec courage et persévérance. Je crois honnêtement que cet effort majeur doit être accompli chez les jeunes, avec les jeunes, pour les jeunes.
Je proposerai au ministre de l'Éducation nationale que soient organisées des journées ou demi-journées d'information, de mobilisation, et de connaissances sur le thème de la sécurité routière dans les lycées, collèges, etc...
Concernant l'ensemble des mesures prises par les précédents Comités Interministériels à la Sécurité Routière, je proposerai au Premier ministre que le point soit fait sur leur état d'application, les obstacles rencontrés, les moyens pour les surmonter. Ce gouvernement a décidé de faire de la Sécurité Routière en cette année 2000, une grande cause nationale. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras. Je proposerai à la lumière de ce constat, des mesures nouvelles pour gagner la bataille. On frémit à l'idée de l'hécatombe que nous connaîtrions si les tendances négatives enclenchées en 97 et 98 s'étaient purement et simplement prolongées.

En janvier de cette année 2000, il y a eu 10 % de tués en moins, mais depuis février selon les informations qui malheureusement nous parviennent tard, ce bon départ n'a pas fait long feu.
Nous allons faire ce qui dépend de nous pour que le week-end prochain ne ressemble pas au tragique sort des deux précédents. 
Qu'on se comprenne bien, si le changement de comportement appelle un travail long et patient, la sanction et la peur de la sanction ont un effet plus radical et immédiat.
Avec mes collègues, Jean-Pierre CHEVENEMENT, ministre de l'Intérieur, responsable de la Police, Alain RICHARD, ministre de la Défense, responsable de la Gendarmerie, nous allons envoyer demain une dépêche à tous les Préfets pour une mobilisation exceptionnelle, des mesures efficaces de contrôle, et pour l'application la plus rigoureuse prévue par les textes contre les comportements dangereux : vitesse excessive, alcoolémie, non respect des feux rouges et des stops et des règles du code de la route, distance minimale entre véhicules, refus de priorité, non port de la ceinture, etc... Nous rappellerons aux Préfets qu'ils peuvent suspendre pour une durée de deux mois le permis de conduire pour les infractions les plus graves.
Cette mesure sera systématiquement appliquée et l'immobilisation des véhicules sera encouragée.
Tous les moyens humains disponibles pour cette mobilisation seront déployés sur toutes les routes et autoroutes, ainsi que tous les moyens matériels, radars, photographies des véhicules contrevenants...
Je suis très clair : cela signifie que nul ne sera à l'abri des nombreux contrôles radars et d'alcoolémie inopinés, qui couvriront tout le territoire, de jour comme de nuit.
Je rappelle que la loi prévoit que toute infraction catégorie 5, y compris, quand le conducteur n'a pu être intercepté, prévoit des amendes de l'ordre de 10 000 F et que tout conducteur récidiviste, dans l'année d'excès de grande vitesse peut être passible de sanctions entraînant des peines d'emprisonnement. J'ai souvent dit que je préférais convaincre que contraindre, mais face à la violence routière, face à ces vies perdues ou gâchées, je veux le dire simplement, nous sommes déterminés à renforcer le volet répressif. Seuls, les irresponsables s'en plaindront.