LIMITEURS DE VITESSE

 

La colère des associations de familles de victimes

DEUX ANS ET DEMI après l'annonce faite par Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, d'un plan visant à réduire de moitié, en cinq ans, le nombre des morts dus à des accidents de la circulation, les associations de familles des victimes mettent aujourd'hui ouvertement en cause la responsabilité du gouvernement. Parallèlement aux actions menées par l'Association des familles victimes des accidents de la circulation (AFVAC) et par la Fondation Anne Cellier, la Ligue contre la violence routière a, depuis quelques mois déjà, adopté une nouvelle stratégie. Elle s'est adressée, directement, sur ce thème, à Lionel Jospin, prépare une série d'actions en justice et étudie la possibilité de saisir la Cour de Justice de la République afin de déposer des plaintes visant l'actuel ministre des transports, ainsi que ceux qui l'ont précédé dans cette fonction.

Cette nouvelle stratégie trouve pour partie son origine dans une curieuse volte-face du gouvernement français sur la question de la limitation de vitesse des véhicules. En juin 1999, la France avait surpris l'ensemble des constructeurs automobiles européens en déposant devant le WP 29 (un organisme des Nations unies chargé de l'harmonisation des normes techniques des véhicules automobiles) une proposition visant à réduire les vitesses maximales au moyen d'un double dispositif technique.

LIMITEUR DE VITESSE 

En pratique, la France souhaitait qu'un limiteur de vitesse permette aux conducteurs de prédéfinir - entre 50 km/h et 140 km/h - la vitesse maximale qu'ils entendaient ne pas dépasser, une boîte noire enregistrant par ailleurs les actions du conducteur sur ce dispositif. Les autorités gouvernementales françaises postulaient que ces enregistrements pourraient être utilisés en cas d'accident (afin de situer la responsabilité des conducteurs), ainsi que lors des contrôles par les forces de l'ordre.

Trois mois plus tard, la France battait en retraite. En septembre, lors d'une nouvelle réunion du WP 29, les responsables français renonçaient à ce double dispositif. L'affaire devait toutefois rebondir fin janvier, avec l'adoption, par les experts du conseil d'orientation de l'Observatoire de la sécurité routière, d'une motion réclamant l'installation à bord de tous les véhicules automobiles d'un limiteur de vitesse et d'une boîte noire ( Le Monde du 1er février). Cet avis avait alors été transmis au gouvernement. C'est quelques jours plus tard que Geneviève Jurgensen, co-fondatrice de la Ligue contre la violence routière, s'adressait directement à Lionel Jospin : « Dans l'affaire du sang contaminé, Laurent Fabius avait expliqué qu'il n'avait pas, en 1985, été informé de l'ensemble des données concernant un dossier majeur de santé publique. Nous tenions à ce que M. Jospin soit pleinement informé sur ce dossier, explique Mme Jurgensen. Le premier ministre n'a pas répondu à ce courrier. Pour notre part, nous allons proposer aux membres de l'association d'engager des actions en justice visant ceux qui ont homologué des véhicules automobiles dont la puissance et les performances en matière de vitesse sont directement à l'origine de morts sur la route. »

Jean-Yves Nau 



Le Monde daté du samedi 6 mai 2000